Depuis de longues années, la FSU emploi attire l’attention de l’établissement sur les difficultés des conseillers face aux demandeurs d’emploi dont les contraintes de santé impactent la recherche d’emploi. Celui-ci a longtemps refusé de prendre en compte nos demandes, arguant que ce n’était pas son champ de compétences. Mis à part quelques prestations spécifiques régionales ou locales, les conseiller·es étaient laissé·es à eux-mêmes, chacun se débrouillant de son mieux, des conseils personnels aux portefeuilles spécifiques mettant de côté ces demandeurs, devant lesquels nous nous sentions impuissants.
Une première avancée a enfin été réalisée avec la création de la prestation PES. Malheureusement, avec les restrictions budgétaires certaines régions ont fait le choix très contestable d’arrêter PES et d’autres de faire des sessions fortement allégées. Tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il est indispensable d’avoir un suivi sur la durée pour résoudre ces problématiques de fond. Et si on arrête le suivi spécialisé en cours, le risque est fort de laisser de nouveau le DE face à ses difficultés et de repartir à zéro lorsque la DG se rendra compte que ce travail est indispensable.
Les motifs budgétaires invoqués nous semblent des choix inadmissibles, si l’on veut faire des économies, il y a d’autres postes beaucoup moins utiles à nos usagers : vision valeurs par exemple…
Récemment, deux bonnes nouvelles nous sont arrivées, spécifiquement sur la santé mentale des demandeurs d'emploi qui reste le domaine le plus difficile à évoquer avec les usagers : minimisation, négation, refus d’aborder le succès…
France travail propose enfin un module de formation en direction des agent·es, permettant une sensibilisation aux dimensions de la santé mentale des demandeurs d’emploi. Le contenu est très complet, peut-être parfois trop, nous parait très utile au quotidien pour les conseiller·es principalement (mais pas que). La FSU vous invite à demander cette formation auprès de vos N+1. Nous avons également demandé que ce module soit adapté et proposé à tous les agent·es DE FT concernant leur propre santé mentale.
Et diverses évolutions, évoquées ci-dessous, concernant la définition et la prise en charge de ces problématiques sont en cours, avec un focus particulier pour les psychologues du travail qui seront les premier·es concerné·es.
Evolutions du champ de la santé mentale : enjeux pour la pratique des psychologues
Le domaine de la santé mentale connaît actuellement d'importantes transformations. Ces évolutions impactent directement les missions et les pratiques des psychologues, et devraient rapidement percuter l’activité de celles et ceux de France travail.
Redéfinition du concept de "santé mentale"
Historiquement, le terme "santé mentale" a vu son sens évoluer. Progressivement, il s'est rapproché d'une notion de "bien-être" et d'une capacité à s'adapter socialement et professionnellement. Cette perspective tend à estomper la distinction entre normalité et pathologie, en se focalisant sur l'inclusion sociale et la productivité des individus.
Cette approche conduit parfois à attribuer à la "santé mentale" des problèmes qui trouvent leurs racines dans des facteurs sociaux ou structurels. On observe ainsi une multiplication des catégories diagnostiques pour des phénomènes comme le burn-out ou l'éco-anxiété, qui peuvent masquer une réflexion plus large sur les causes systémiques de ces souffrances, en créant une confusion entre troubles mentaux et malaises sociaux.
Transformation des modalités de prise en charge
La tendance actuelle privilégie le développement des prises en charge ambulatoires. L'organisation et la gestion de ces suivis sont de plus en plus souvent dévolues aux personnes elles-mêmes. Cette orientation soulève des questions quant à la répartition des coûts et à la prise en compte des responsabilités des entreprises dans l'émergence de troubles psychiques liés au travail.
Face à la pénurie de professionnels, notamment de psychiatres, les pouvoirs publics se tournent vers les psychologues dans le cadre de nouvelles architectures de soins. Un schéma de parcours de soins est progressivement mis en place, structurant les interventions à plusieurs niveaux :
Un premier niveau, souvent l'école, est dédié à la "détection" précoce.
Un deuxième niveau, comme les CMPP, est envisagé pour la prise en charge des situations jugées "légères", impliquant des thérapies de courte durée.
Un troisième niveau, regroupant centres experts et services hospitaliers, serait destiné aux pathologies plus sévères et complexes. Ce niveau pourrait nécessiter des formations spécifiques pour les psychologues souhaitant y exercer.
Dans ce cadre, les missions tendent à être standardisées : bilans, thérapies brèves, ou interventions plus intensives mais sous contrainte budgétaire. Les "pratiques probantes" et les "thérapies pertinentes" pourraient être définies par des instances comme les Agences Régionales de Santé (ARS), ce qui interroge l'autonomie des professionnels dans le choix de leurs approches.
L'évolution des psychothérapies et l'identité professionnelle
La psychothérapie, qui a historiquement contribué à l'autonomisation de la psychologie vis-à-vis du modèle médical, est aujourd'hui de plus en plus valorisée comme une alternative aux traitements médicamenteux. Cependant, cette valorisation s'accompagne d'une attente d'efficience, encourageant des approches structurées et protocolisées.
Ces dernières s'alignent parfois sur le modèle biomédical ("un diagnostic = un traitement"), en ciblant les symptômes plutôt qu'une compréhension globale de la vie psychique du patient. Cette orientation peut être perçue comme une volonté de rationalisation et de réduction des coûts.
Le concept de rétablissement gagne en importance. Issu de mouvements d'anciens patients, il vise à permettre aux individus de reprendre le contrôle de leur vie malgré la maladie. Si cela ouvre la voie à un certain pluralisme des techniques (psychoéducation, estime de soi, soutien par les pairs), les objectifs de cette rééducation psychosociale restent souvent fortement orientés vers l'adaptation et l'apprentissage de compétences.
Pour les psychologues, ces évolutions soulèvent des questions fondamentales sur l'identité professionnelle et la spécificité du soin psychique. Les risques incluent une perte d'autonomie dans le choix des outils et des modalités de suivi, un brouillage des frontières avec d'autres professions médico-sociales, et une tendance à la standardisation des pratiques qui pourrait éloigner du principe de singularité de la vie psychique.
La FSU emploi suit avec attention ces évolutions, et demande à la direction de s’assurer que les psychologues aient enfin accès à une formation continue digne de ce nom, qui leur permette d’adapter leurs pratiques et d’accompagner au mieux les demandeurs d’emploi.


