Mieux prendre soin des autres…
Vous avez toutes et tous reçus en cet été 2025 cette recommandation de notre direction :
« Prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres »
Même si nous ne prêtons pas à son auteur une intention cynique, l’effet produit l’est incontestablement.
« Prendre soin de soi » vraiment ?...
À France Travail désormais la colonisation des esprits par le prêt à penser de la culture d’entreprise ne connait plus de limites.
D’un côté, un baromètre interne qui constate une baisse de la motivation (de l’engagement comme ils disent à présent, un terme directement issu de la terminologie militaire et sans doute mieux adapté au contexte actuel, la motivation ne suffit plus !) .
Et oui ! nous traversons une évolution effrayante et sans précédent de nos métiers et nous ne comprenons plus guère le sens de nos missions sauf à recréer ce sens nous-mêmes ou « entre nous ». Ainsi, nous nous posons des questions aussi étranges et folles que : Pourquoi reconvoquer à l’infini des personnes qui n’ont jamais souhaité s’inscrire à France Travail et qui ne répondront jamais à nos convocations ? Comment des retraités qui se sont désinscrits se retrouvent-ils inscrits automatiquement en cat 1 en tant que conjoint de RSA ?, etc..
Parmi nous, nombre vont jusqu’à ressentir le chaos autour d’eux, et on viendrait mesurer notre engagement ? Serions-nous de bons soldat-es administratifs envoyé-es au front social combattre toute la misère du monde ? Nous attendons que le flot ininterrompu des innovations les plus destructrices de nos savoir-faire s’interrompe pour sortir des « tranchées », constater l’ampleur des dégâts et ramasser ce qui reste de nos métiers.
Pour l’heure, chacun essaye de défendre sa position, ce qu’on fait en général en contexte de combat. Or, de ce point de vue la très restrictive campagne de télétravail menée dans certains départements a agi aussi efficacement sur la qualité de « l’engagement » de certains que du sel sur une plaie. Privés d’une source d’oxygène, ils ont ressenti que leurs managers doutaient clairement de leur capacité de gagner la bataille à distance et la motivation les a quittés, désormais « ils font leurs heures tout simplement ».
Et donc : non ! Nous n’avons plus du tout envie de répondre à ce baromètre interne aux questions toujours plus alambiquées, il revient avec la régularité des hirondelles au printemps et il est chaque fois « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre ». Nous n’en attendons absolument rien en termes de changement positif et développons une aversion aux groupes de travail qui en découlent (si nous avons l’audace de répondre que les choses ne vont pas bien localement.)
On ne veut plus, face à des organisations de travail dirigistes et calamiteuses, envahis par l’impression de faire « n’importe quoi », sans espace de parole pour le dire, être renvoyés à réfléchir entre nous sur la question du « mieux vivre ensemble » … dans les tranchées de l’accueil.
Vous voulez que nous prenions soin de nous : commencez par nous démobiliser pour que nous puissions peut-être... nous ré-engager !
Prendre soin des autres, L’impossible mission.
Il y a les slogans du prêt à penser : « l’humain au cœur de nos métiers » « la relation humaine, le maitre mot de nos missions " et... il y a la réalité.
Oui, nous sommes d’accord avec ces slogans qu’on n’avait d’ailleurs pas besoin de creuser pour trouver, puisqu’il s’agit, pour nous, d’évidences ! Mais non, nous n’arrivons pas à l’appliquer au quotidien et même le baromètre interne dont la fonction principale est de déclarer qu’il fait toujours beau et chaud, n’y arrive pas.
À la question « Diriez-vous qu’avec la mise en place de France Travail, vous pouvez consacrer davantage de temps à la relation avec les usagers ? ». Le score est de 14%, 14% autant dire que personne n’y croit. La question va probablement être remaniée au prochain tour… ou disparaitre.
Au quotidien, nous ne prenons pas soin des autres, au quotidien, nous affrontons les 800 irritants du système informatique et encore, gardez présent à l’esprit que ceux qui ne peuvent être solutionnés ne peuvent être recensés ! Bien triste blague à laquelle nous répondons que le principe de réalité veut malheureusement qu’ils existent quand même !
Au quotidien, nous nous perdons dans les méandres des nouvelles modalités d’inscription, des nouvelles sanctions, les boucles sans fin des convocations inutiles, des EDO complexes, des DPA interminables, des milliers de contrats d’engagement à signer au plus vite, et dans la détresse d’ELD dépassées.
Dans ce Kafchaos , nous cherchons… les autres. Mais comme dirait la direction : « cet été on souffle, on s’inspire »… Et si pendant les vacances, on en profitait… pour se changer les idées ? Non , pour lire et podcaster à propos du sujet « travail ». Quoi de mieux que le « futur du travail » vu par Christine Lagarde sous la houlette de Muriel Pénicaud ou « les outils de géants : milliardaires leaders, créateurs, champions vous livrent leurs secrets ». Car sans doute que ce sentiment d’échec au quotidien provient avant tout de notre incapacité à voir assez grand !
Feel good de rigueur, même l’été, à FT, la mode reste strictement corporate : Bonjour chez vous !